Quoi voir de Sofia Coppola?


Trois œuvres-clé de sa filmographie avant la sortie de 'Priscilla' 






Original écrit en espagnol pour le magazine Vanitas, paru en automne 2023. 

Elle n’a jamais voulu être cinéaste. Ses cousins, ses oncles et ses parents étaient tous acteurs ou réalisateurs. Et pas n’importe lesquels : les branches de son arbre généalogique s’entremêlent avec ceux de Nicolas Cage ou Jason Schwartzman. Elle porte le même nom de famille qu’Eleanor, sa mère, célèbre documentariste, et que Francis, son père. Inutile de présenter le grand Francis Ford Coppola. Mais elle finit par s’avouer que tout ce qui lui plait —la mode, la musique, la photographie—, elle le retrouve en même temps dans le cinéma.

 L’œuvre de Sofia Coppola n’a rien à voir avec celle de son géniteur : elle a su échapper à son ombre en développant un style tout particulier qu’elle aime qualifier de « girly ». Ses protagonistes sont souvent comme elle : des adolescentes privilégiées et romantiques, qui s’ennuient profondément. C’est ce point de vue qui a parlé à toute une génération, en particulier de jeunes filles, qui s’identifient à ses histoires. Voilà trois essentiels à voir ou revoir pour se plonger dans son univers avant la sortie de Priscilla, biopic de la femme d’Elvis Presley qui sortira en octobre 2023 aux États Unis. 

The Virgin Suicides (1999) 
« — You’re not even old enough to know how bad life gets. 
— Obviously Doctor, you’ve never been a thirteen-year-old girl. » 





Après avoir réalisé son premier court-métrage, Coppola lut pour la première fois « The Virgin Suicides » de Jeffrey Eugenides. Elle l’adora et se mit à travailler sur une adaptation. Juste comme ça, pour voir si elle en était capable. Ce script devint son premier long-métrage. 

Les cinq sœurs Lisbon, Cecilia (13 ans), Lux (14), Bonnie (15), Mary (16) et Therese (17,) sont enfermées dans leurs existences. Surveillées par des parents stricts, cloitrées dans leur maison d’une banlieue américaine maussade, elles suscitent la fascination de quelques garçons de leur quartier. Au cours du film, ce sont ces garçons qui nous racontent l’histoire tragique des jeunes filles, en partant de la première tentative de suicide de Cecilia. 

Coppola dépeint à la perfection le drame délicat de ces adolescentes. Du sang dans la baignoire, des estampes de la Vierge Marie, des cris, des pleurs, de la dentelle, des robes à fleurs. Dans le livre, Eugenides parle de l’emprisonnement qu’est la féminité, surtout dans ces banlieues bourgeoises et pourrissantes. Coppola fait respirer le texte avec brio en s’aidant d’images sublimes à l’esthétique douce qui marquera le reste de sa filmographie. 

Marie Antoinette (2006) 
« – This is ridiculous. 
—This, Madame, is Versailles. » 





Marie Antoinette a 15 ans lorsqu’on la marie à Louis XVI, le roi de France. Seulement 19 ans quand elle devient reine. La vie à Versailles l’étouffe tant et depuis tellement jeune qu’elle n’accorde guère d’attention à son peuple mourant de faim. Elle se focalise plutôt sur les robes qu’elle va porter, les gâteaux qu’elle va manger et les fêtes qu’elle va organiser. Ce sont ces excès que montre Coppola, encadrant ainsi la vie de l’une des femmes les plus importantes de l’histoire, de son arrivée en France à la destruction de sa chambre par les sans-culottes. 

Le kitsch et le rococo poussées à leur extrême sont au rendez-vous. Sofia Coppola dira de son film « Je ne voulais pas faire un film d'époque sec et historique avec des tableaux froids et des plans distants. Je voulais faire un portrait impressionniste de ces personnages, […] que ce film permette au public de ressentir ce que cela pouvait être d'être à Versailles à cette époque et de se perdre dans ce monde. » 

Le spectateur est effectivement absorbé par des images saccadées de nourriture flashy et de perruques aux hauteurs vertigineuses. Coppola ne manquera pas de rappeler au spectateur que son but n’est pas de faire un documentaire en plaçant quelques anachronismes par ci par là. Par exemple, les fameuses Converses cachées parmi les pantoufles du XVIIIème. Elle montre simplement le drame intérieur d’une jeune fille qui a tout, mais qui est prisonnière de son abondance. 

The Bling Ring (2013) 
« Come on, let’s go to Paris’. I wanna rob. » 



Le film est basé sur l’histoire vraie du Bling Ring, une bande d’ados de Los Angeles obsédés par la célébrité. Découvrant un jour, grâce à internet, que Paris Hilton ne sera pas chez elle, Rebecca, Marc, Nicki, Sam et Chloe décident de forcer la porte pour lui voler des vêtements. Ils cambriolent ainsi d’autres figures publiques comme Lindsay Lohan ou Orlando Bloom. 

De prime abord, rien à voir avec la fiction historique ou les drames aigres-doux de d’habitude. Sofia Coppola fait le choix étonnant d’adapter un article de journal et de se lancer dans le true crime. Les personnages sont plus explicitement motivés par la célébrité et l’argent, alors on perçoit moins leur voyage émotionnel et interne. Les thèmes de la célébrité et de l’excès semblent plus discrets dans ses autres créations. Ici, ils sont placardés et criés haut et fort : toutes les excuses sont bonnes pour montrer une marque ou mentionner une star de l’époque. 

Pourtant, on se rend compte très vite qu’on est toujours devant un Sofia Coppola. Certes, le spectateur assiste à des évènements plus proches dans le temps et on voit évoluer des personnages avec des motivations qui semblent plus matérielles, mais l’univers est toujours aussi prenant. Le style girly est bel et bien là. Les adolescents tourmentés aussi. Finalement, Coppola est aussi capable de tirer le portrait d’un star-system plus contemporain, avec, toujours, sa signature. 

Priscilla Presley était une icône mode, un personnage aussi bien ancré dans l’histoire que dans la pop culture. Mais c’était aussi une adolescente qui rencontra Elvis à 14 ans et se retrouva projetée en haut d’un piédestal, sous le regard du monde entier. Alors, qui d’autre que Sofia Coppola pour porter sa vie sur le grand écran ? Finalement, elle est comme une Marie Antoinette ou une des sœurs Lisbon, avec le rapport plus moderne à la célébrité des membres du Bling Ring.

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