Une énième tentative ratée de résoudre le « Mystère Simenon »

 Originellement publié en espagnol dans le magazine Nuestro Tiempo.

Georges Simenon est l’écrivain belge le plus traduit au monde. 192 romans portent sa signature, sans compter tous ceux qu’il écrivit sous des pseudonymes. Travailleur acharné et artisan du roman, il était capable de finir cinq livres par an. Sa créativité a fasciné les esprits les plus brillants de la littérature francophone. Aujourd'hui, il continue de captiver les lecteurs en partie grâce aux maisons d'édition Acantilado et Anagrama qui, en novembre 2021, unirent leurs forces dans une collection consacrée à son œuvre.


Entre deux bras de la Seine, une sentinelle veille sur Paris. Face à la rive gauche, elle surveille les passants qui se baladent sur le quai. Au quai des Orfèvres, elle porte le numéro 36. C’est le siège de la police judiciaire.

Tiens, voilà justement un agent qui arrive. La fumée de sa pipe le suit en flottant devant les grandes fenêtres du premier étage. Un trenchcoat beige recouvre ses épaules carrées et le protège du vent d’avril. Il s’arrête un instant devant la porte en bois massif. Sous les bords de son chapeau, il observe le canal d’un œil d’inspecteur, comme si la solution du mystère en cours se trouvait derrière le stand d’un bouquiniste ou dans un immeuble du quartier latin.

Tout ça le fait sourire. Pas parce qu’il vient de résoudre l’enquête, non. Mais parce qu’il se croirait dans l’un de ses romans. Quand il inventa le personnage de Jules Maigret en 1931, Georges Simenon n’imaginait pas qu’il lui ressemblerait autant. Et voilà que 41 ans plus tard, il se retrouve à la P.J. avec des officiers qui le prennent pour l’un des leurs.

Il n’est pas là pour travailler, mais pour sa tournée européenne de 1972. On lui organise un dîner : au menu, turbot Dugléré et canard à l’orange. On lui offre même une plaque au nom de Maigret, numéro 0000. Elle lui servira de porte-clefs, sauf une fois où, arrêté pour excès de vitesse, elle détournera le regard des gendarmes. Peut-être les agents, comme tant d’autres avant eux, crurent reconnaître en Simenon les traits du véritable commissaire.

La nuit de 1972 au quai des Orfèvres, les deux grandes contradictions de Simenon étaient déjà là. D'une part, le mystère : il est très difficile de distinguer le vrai du faux dans la vie de l'écrivain. D'autre part, le doute qui a plané sur son œuvre, surtout en France : peut-on être un auteur de best-sellers et écrire en même temps de la grande littérature ?

Dans la quête de ces réponses, il n’est pas forcément plus simple de commencer par le début. En ce qui concerne la vie de Georges Simenon, rien n'est évident ni transparent. Les points d’interrogation commencent dès sa date de naissance. Henriette Simenon, sa mère, était une femme superstitieuse qui ne pouvait se faire à l’idée que son premier fils naisse un vendredi 13. Alors à l’état civil, elle dona la date du 12 février 1903, peu avant minuit.

Le journaliste et écrivain français Pierre Assouline est l'auteur de la biographie sobrement intitulée Simenon, considérée comme la plus complète. Il a également réalisé Le Siècle de Simenon (2013), un documentaire basé sur des fragments d'interviews données par l'écrivain. Tous les propos qui lui sont attribués dans ce texte sont tirés de ces deux ouvrages, à moins qu’une autre source ne soit précisée. Par e-mail, Assouline répond à la question suivante : quels sont les points les plus mystérieux de la biographie de Simenon ? «Toute sa vie est un mystère inentamé par les enquêtes biographiques et c’est tant mieux. Alors inutile d’en isoler ce serait vain. »

À l’internationale, il est surtout connu pour être le créateur du commissaire Maigret, protagoniste de nombreux livres et films policiers. Ce personnage prit tellement de place au sein de la biographie de son inventeur que la vie du propre Simenon semble tintée de fiction. L’auteur s’est souvent raconté comme un personnage avec sa mythologie, ses lieux récurrents, ses évènements formateurs et ses personnages secondaires. Il disait en effet que « nous sommes tous capables d’être des héros de roman. »

Allumer le feu

Liège est connue pour sa production d’armes à feu, sa ferveur religieuse et son monde de la nuit. Pas étonnant qu’on l’appelle la cité ardente. « C’est une appellation à laquelle les liégeois tiennent beaucoup, mais ce n’est pas le portrait que Simenon en fait », avoue Laurent Demoulin, conservateur du Fonds Simenon de l’Université de Liège. « Il décrit une ville petite bourgeoise, peut-être à cause de son histoire familiale. » À cause de sa famille, Georges Simenon a toujours entretenu une relation complexe avec sa ville natale.

Il est le premier fils de Désiré Simenon, comptable, et d’Henriette Brüll, issue d’une famille aisée. Mais sa mère aura toujours préféré son deuxième, Christian, né trois ans plus tard que Georges. Elle ne manquera jamais une occasion de le rehausser au détriment de son grand frère, qui se tournera vers l’affection de son père.

Simenon grandit entouré par une petite bourgeoisie conservatrice et maussade. « Nous n’étions pas assez pauvre pour que ce soit beau », déclarera-t-il des années plus tard. Pour lui, les membres de sa famille étaient impossibles à sortir de leur petit malheur, alors qu’il aurait fallu si peu. Il n’a jamais pu s’identifier à eux totalement : « le besoin d’écrire m’est venu le jour où je me suis senti à la fois appartenant à mon milieu et à la fois en dehors de lui. »

Le petit Georges étudie pendant presque toute sa scolarité chez les jésuites et à 12 ans, il décide qu’il vouera sa vie au roman. C’était déjà un lecteur passionné ; Alexandre Dumas, puis Dickens, Balzac, Stevenson... mais son rêve prend un tournant un jour de 1916.

Le jeune Georges Sim, car c’est comme ça qu’il signait ses devoirs à l’école, se fait appeler par son médecin de famille. Il lui annonce que son père est très malade et qu’il ne lui reste pas plus d’une année à vivre. Il lui faut donc travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. L’adolescent peine à s’adapter. Il sort licencié de son dernier emploi dans une librairie et passe devant les bureaux de la Gazette de Liège. « Pourquoi ne pas être journaliste ? [...] reporter, ça doit être quelque chose de magnifique », se dit-il. Alors Simenon entre et demande à parler au directeur. Après quelques coups de téléphone pour vérifier ses références, Georges a sa chance. Il a 17 ans.

Cet évènement si romanesque est crucial dans la biographie de Simenon. Il l’a toujours raconté de cette manière, presque comme si, par pure chance, il avait pu devenir journaliste. Or, Pierre Assouline explique dans sa biographie qu’il était sûrement muni de quelques bonnes recommandations avant de passer la porte et que certaines versions racontées par l’écrivain sont contradictoires : il discute tantôt avec le directeur, tantôt avec l’éditeur. En plus, la Gazette s’alignait justement avec les valeurs conservatrices de sa famille. Mais il aimait jouer avec son propre mythe et ne racontait pas toujours la pure vérité.

« La famille de Simenon a influencé son travail à la fois en tant que prolongement de lui-même et à la fois parce qu’il s’y oppose très violemment », souligne Laurent Demoulin. À l’époque, cette opposition s’est vue lorsqu’il commence à fréquenter les artistes de La Caque, un groupe anticonformiste presque marginal, aux antipodes de son éducation et des valeurs familiales. Ils étaient, comme l'a écrit John Banville, lauréat du Booker Prize, "un groupe de jeunes dandys et bohémiens sous la direction spirituelle du peintre Luc Lafnet", une "bande déchaînée qui s'adonnait à la boisson, à la drogue et à l'amour libre". Parmi ces excentriques fréquentations, il rencontre sa première femme, la peintre Régine Renchon, qu'il surnomme "Tigy". Il écrit également son premier livre, le roman humoristique Au Pont des Arches (1920), qu'il n'a jamais voulu rééditer parce qu'il le trouvait trop mauvais.

Pour Laurent Demoulin, Simenon « n’échappe jamais tout à fait à sa ville natale, mais il a aussi beaucoup voyagé et il s’est nourri de tous les endroits qu’il a pu voir. Liège est seulement la première pierre », le premier lieu simenonien qui nourrira son œuvre. Mais à l’époque, la réussite littéraire et artistique était ailleurs. Simenon et Tigy décident de monter à Paris. Demoulin relate qu’il se dirent : « on se sacrifie pour le premier qui réussit. » C’est lui qui réussit, et quelle réussite.



Briser le verre

« Trop littéraire, jeune homme. Beaucoup trop littéraire. Surtout, pas de littérature ! » Tel était le conseil de Colette, la directrice littéraire du journal Le Matin. Simenon, qu’elle appelait « mon petit Sim » s’acharna jusqu’à ce qu’elle retienne enfin un de ces contes pour publication dans le journal. Nous sommes en 1923. Georges Simenon débarque à Paris et cherche à se faire un nom d’une manière ou d’une autre. Il découvre assez vitesses talents de conteur : des histoires frivoles, amusantes, caractéristiques des années folles. Le Matin, en revanche, était un journal bien plus sérieux. Depuis ce jour dans les bureaux de la rédaction, il  ne cessa de simplifier son style et de se défaire de toutes les fioritures.

Il passe des contes aux romans populaires écrits sous différents pseudonymes. Il en concevait deux par semaine en écrivant huitante pages par jour. Lui et Tigy réussissent même à déménager Place des Vosges, la place la plus ancienne et la plus exclusive de la capitale française. Pour être plus rapide, il décide de dicter ses romans populaires avec, à l'appui, seulement quelques notes. Mais pour ça, il faut une secrétaire. Henriette Liberge, une petite femme de campagne « blonde, dodue et simple » fut immédiatement engagée et rebaptisée "Boule". Elle resta toujours au côté des Simenon.

L’époque parisienne de Simenon fut aussi marquée par l’histoire du roman dans la cage de verre. Quand on parle de l’écrivain, raconter cet épisode semble obligatoire ; il est si sensationnel ! Pour le lancement de son journal, un ami de ses amis, Eugène Merle, a l'idée d’organiser un événement spécial qui lui ferait de la publicité. L'écrivain devrait s’enfermer pendant trois jours et trois nuits dans un cube de verre transparent. Dedans, un bureau, une chaise et une machine à écrire. Les passants pourraient voir Simenon écrire un roman.

Étonnant, n’est-ce pas ? On croirait presque à une performance d’art contemporain. Seulement voilà, cet événement, qui colle tant à la peau de Georges Simenon, ne s’est jamais produit. Pierre Assouline le qualifie de « fake news » de l’époque. Il y a plusieurs hypothèses qui répondent à pourquoi ils n’ont jamais pu le faire, mais la plus probable reste que le journal d’Eugène Merle fit faillite avant la date prévue pour la performance.

De 1928 1932, Simenon voyage à travers le monde. Ce n’est non pas dans le village de Saint-Fiacre, ni à Paris, que naît un gros monsieur bon vivant, au chapeau melon et la pipe au bec. C’est à bord de l’Ostrogoth, sur lequel Simenon parcourait le globe. Ils étaient accostés à Delfjizil, un port de Hollande. Le bâteau a besoin d’être recalfaté, alors Simenon n’a d’autre choix que d’aller écrire sur le port. C’est là qu’il commence Pietr-le-Letton, première apparition du Commissaire Maigret.

Encore une fois, la vérité n’est pas si romantique. Le personnage de Maigret était mentionné avant, mais sous d’autres formes. La première fois que son nom figure dans l’œuvre de Simenon, c’est dans un roman sentimental qu’il signe d’un de ses nombreux pseudonymes. Jules Maigret n’est pas policier, mais un médecin de Saint-Macaire, une commune près de Bordeaux. C’est pourtant bien aux Pays-Bas que l’on a érigé une statue de Maigret.

Les Maisons de Simenon

Georges Simenon a passé les trente-deux dernières années de sa vie à Lausanne, en Suisse romande. Pendant cette période, il a habité au moins quatre maisons. La première, le Château, se trouve toujours à Echandens, avec ses jardins luxuriants. A l'emplacement de l'ancien bunker est née la Colline des Rêves, un assortiment de douze bâtiments identiques, cubiques et à trois étages. Cela fait des années que l'on n'entend plus son nom dans la tour grise du 155 de l'avenue de Cour. Thérèse et lui y ont vécu pendant deux ans, dans un duplex au huitième étage, avant de s'installer dans leur dernière demeure. 

La maison rose du 12 avenue des Figuiers semble être devenue grise. Personne ne répond à la sonnette. La boîte aux lettres est vide et pleine de toiles d'araignée. Il n'y a plus de trace de l'homme au chapeau qui allait parfois boire un verre de vin blanc au Gamberro, le restaurant italien du coin. Le vent a emporté depuis longtemps les dernières fumées de tabac à pipe. Peut-être le chêne du jardin à l'ombre duquel les cendres de Simenon ont été dispersées est-il encore debout.

Sceller les enveloppes

Assouline écrit que Simenon est souvent accusé de « collabo », comme les français aiment appeler ceux qui ont soutenu les allemands pendant l’occupation, mais qu’en réalité, il a simplement été un lâche et un opportuniste. Il ne retourne pas en Belgique exprès pour éviter le service militaire. Il écrit dans des journaux tenus par l’occupant. Mais Georges Simenon se pense apolitique. L'un de ses principaux traducteurs en espagnol, Carlos Pujol, a décrit cette attitude dans un article paru en 2003 dans ABC comme « une ambiguïté confortable pendant la guerre et l'après-guerre » et a indiqué que sa participation, alors qu'il était encore adolescent, à une campagne de presse antisémite était « l'une de ses manies habituelles ». Selon Simenon, il ne faisait qu’assembler des phrases. Il évite la justice française en partant vers le pays de tous les possibles : les États Unis.

Reno, dans le Nevada, est connue pour la rapidité des procédures de divorce et de mariage. Le même jour, Simenon divorce de Tigy pour épouser sa secrétaire canadienne, Denyse Ouimet qu’il rencontre à son arrivée sur le continent, en 1945. Il disait qu’il se plaisait en Amérique, car « là-bas, il n'y a pas de cafés littéraires où des intellectuels racontent les romans qu'ils n'écriront jamais. » Lui, des livres, il en écrit : 48, très exactement. Et avec succès : en 1951, Les ventes annuelles des livres de Simenon atteignent les 3 millions d'exemplaires dans le monde. On peut dire qu’il devient une vraie star de la littérature (ou de la non-littérature).

Après dix ans, les Simenon retournent en Europe. Ils côtoient brièvement la jet set de la Côte d’Azur avant d’aller se poser dans un endroit plus calme, loin des projecteurs.

« Vous n'imaginez pas la discrétion des suisses », s’étonne Simenon. Pourtant un écrivain mondialement célèbre qui se promène dans les ruelles d’Echandens, un petit village près de Lausanne, ne devrait pas passer inaperçu. Lui, Denyse, et ses enfants Pierre, John et Marie Jo emménagent au Château en 1957. Le père a pour habitude de se balader dans les grands jardins en imaginant son prochain roman.

Sa méthode est stricte, mais bougrement efficace. Quand il commence à se sentir mal à l’aise, bougon, il sait que c’est le moment d’écrire un roman. Pour une dizaine de jours, ils se libère de toutes ses obligations. Puis, il fait venir le médecin, qui examine tous les membres de la famille, dont lui-même. Si tout va bien, il se met au travail le jour suivant avec une première promenade qui l’aide à trouver son idée. Simenon se plonge dans ses souvenirs pour trouver les premiers traits de ses personnages qu’il reportera ensuite sur le dos des célèbres enveloppes jaunes. Âge, état civil, adresse, description physique, entre autres. Il réfléchit alors sur ses créations et commence à échafauder l’intrigue. Trois heures plus tard, le premier chapitre est terminé. À partir de là, les journées de Georges Simenon commencent à 6 heures. Il travaille pendant trois heures, part se promener jusqu’à midi, déjeune en famille et fait une sieste. L’après-midi, il se balade également avec Denyse, mais ne parle surtout pas du roman. La tension psychologique causée par l'écriture provoquait des effets secondaires tels que des vomissements et des pertes de poids. C'est pourquoi un Simenon ne dure que neuf ou dix chapitres, écrits en neuf ou dix jours : « je suis incapable de tenir le coup plus longtemps », admet l’auteur.

Sa demeure idéale était celle où tous les membres de sa grande famille (sa femme, trois de ses quatre enfants et la bonne, sans compter les visites éventuelles de son fils aîné Marc et de son ex-femme) pourraient vivre presque sans se croiser, ou du moins sans empiéter les uns sur les autres. Il construisit alors une gigantesque maison à Epalinges, toujours en banlieue lausannoise, que les habitants de la ville surnommèrent le bunker. Et pour cause ; la bâtisse ressemble à un bloc de béton sur lequel on aurait juste posé le toit et creusé quelques fenêtres.

Le manoir ne se remplit jamais comme il l’avait souhaité. L’état de santé mentale de Denyse se dégrade tant qu’elle est mise en hôpital psychiatrique. Simenon part vivre au 12, avenue des Figuiers avec Theresa Sburelin, son aide-soignante italienne qui devient sa dernière compagne. Le 5 février 1973, au consulat de Belgique, Simenon fait remplacer sur son passeport la mention « romancier » par celle de « sans profession ». Le 7 février, le quotidien 24 heures publie une interview. Il déclare : « J'ai septante ans, C'est fini, Je tue Maigret... ».

Il ne tarde pas à reprendre l’écriture, mais pas pour des raisons spécialement joyeuses. Il a septante-cinq ans quand sa fille Marie-Jo se suicide d’une balle de révolver dans la poitrine. « Ma carrière d’écrivain a commencé le jour où j’ai eu des enfants. Il me manquait quelque chose. Un homme qui n’a pas eu d’enfant, qui ne sait pas ce que c’est que de voir la vie autour de soi venir petit à petit, est incapable de recréer un monde. » Il lui dédie un dernier ouvrage, Mémoires intimes, qu’il achève en novembre 1980.





Quand son père à lui est mort, en 1921, il ne supporta pas de voir son corps inerte et froid dans son cercueil. À son décès le 4 septembre 1989, ses enfants n’apprennent la nouvelle qu’après sa crémation, à la radio. Dans une interview du 12 janvier de la même année pour l’émission Hôtel de la RTS, il disait que la vieillesse lui apportait surtout des souvenirs. Ils se remémorait ses balades dans la nature, ses voyages en bateau dans la Mer du Nord. Des paysages, des odeurs, des images plus ou moins floues. Après une vie où il a tout connu, d’incomptables pays et de femmes, l’argent, la gloire, le succès, il dit n’être attaché qu’à tout ce qui est vivant. Du petit oiseau à l’être humain. « La Vie, avec un V majuscule. »

Il aurait été formidable de s'asseoir avec John Simenon, le fils de l'écrivain qui gère sa succession et ses droits littéraires, et de l'interroger sur sa relation avec un père aussi compliqué. Il a accepté cette interview, mais n'est jamais apparu, ni n'a donné d'explications supplémentaires. Dans le plus pur style Simenon. Le mystère reste entier.

Selon Pierre Assouline, le meilleur Simenon est Les Mémoires de Maigret. Paru en 1951, le « véritable » commissaire explique comment il fait la rencontre d’un certain Georges Simenon, un jeune écrivain qui rêvait d’écrire des romans policiers inspirés de lui. Évidemment, c’est encore un tour de l'écrivain, qui se met dans la peau de son plus célèbre personnage. Toujours est-il que dans le livre, Maigret relate une confrontation entre lui et le romancier durant laquelle il lui reproche le manque de réalisme dans ces livres. C’est bien gentil, les polars, mais ce n’est pas comme ça qu’on résout une vraie enquête. Ce à quoi le Simenon du roman lui répond : « La vérité ne paraît jamais vraie. Je ne parle pas seulement en littérature ou en peinture. Je ne vous citerai pas non plus le cas des colonnes doriques, dont les lignes nous semblent rigoureusement perpendiculaires et qui ne donnent cette impression que parce qu’elles sont légèrement courbes. C’est si elles étaient droites que notre œil les verrait renflées. [...] Racontez n’importe quelle histoire à quelqu’un. Si vous ne l’arrangez pas, on la trouvera incroyable, artificielle. Arrangez- la, et elle fera plus vraie que nature. »

L'Auteur en Espagnol

Acantilado et Anagrama ont uni leurs forces en 2021 pour rééditer l'œuvre de l'écrivain belge le plus lu. Les deux directrices de ces maisons d'édition espagnoles, Sandra Ollo (Acantilado) et Silvia Sesé (Anagrama) ont commencé par trois livres :Le fond de la bouteille, Maigret doute et Trois chambres à Manhattan : Bien que les lecteurs hispanophones puissent profiter des histoires du commissaire Maigret depuis des décennies, ces éditeurs se sont associés pour publier l'intégralité des œuvres de Simenon en un seul endroit. 

Pour ce faire, l'ouvrage a été quelque peu rafraîchi. Les nouvelles traductions sont signées Caridad Martínez et Núria Petit. Le studio Duró est responsable du design et Maria Picassó des illustrations géométriques et contemporaines des couvertures. La collection compte à ce jour sept titres. Le dernier, Maigret et la vieille dame, a été mis en vente en octobre 2023

Sandra Ollo écrit sur le site de présentation du projet que « la littérature de Simenon est éblouissante par sa puissance narrative, par sa capacité à pénétrer la réalité. » Sur la même page, Silvia Sesé exprime le désir de « partager avec de nouveaux lecteurs une œuvre qui fait déjà partie de la mythologie littéraire, du roman policier et du roman universel. »


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